Les systèmes de croyances
Le thème des croyances recouvre un aspect théorique essentiel en Gestalt-thérapie Intégrative, et c’est aussi un outil de changement.
Les croyances sont des pensées que nous vivons en nous comme des vérités absolues. Elles sont de plusieurs sortes :
· croyances universelles (par exemple : le spirituel est plus important que le matériel),
· croyances culturelles, familiales (par exemple : les hommes ne doivent pas pleurer),
· croyances personnelles (par exemple : si je montre vraiment qui je suis, on ne va plus m’aimer).
Autour de tout cela, il y a des croyances qui existent à un niveau collectif, et des croyances qui existent à un niveau individuel.
Au niveau du collectif, il existe des croyances justes et des croyances fausses (par exemple, alors que certains mathématiciens Grecs avaient calculé que la terre est ronde, au Moyen-Âge en Europe on a cru que la terre était plate, croyance fortement étayée par l’Eglise catholique). Les croyances évoluent, elles sont différentes selon les cultures et selon les divers moments de l’histoire. Mais ce n’est pas parce qu’une croyance est collective qu’elle est vraie.
Au niveau de nos croyances personnelles, il y a aussi des croyances justes, et des choses que nous croyons vraies et qui sont fausses.
Origine des croyances
La pensée apparaît précocement dans la vie psychique.
Très tôt, le bébé commence à vivre des expériences, et il va en tirer des conclusions et prendre des décisions. Les premières croyances personnelles sont liées à la sécurité et à l’amour. Le bébé expérimente une réalité par rapport à la relation qu’il vit avec ses parents, et il va commencer à interpréter le monde.
Les croyances sont des interprétations de notre réalité du monde.
Les croyances de l’enfance
Si l’enfant fait l’expérience d’une mère suffisamment bonne (au sens que Winnicott donnait à ce terme), ses croyances sur l’amour et la sécurité vont être qu’il peut se laisser aller, qu’il peut faire confiance et recevoir ce dont il a besoin. Peut-être avons-nous, encore ancrées en nous, des croyances de notre petite enfance qui étaient une interprétation de notre réalité (par rapport à l’amour, aux besoins, aux désirs, …). Lorsque ces croyances ne sont pas conscientes, elles viennent se projeter en permanence dans notre expérience du monde, comme si nous portions des lunettes avec des verres d’une couleur particulière qui nous font vivre une réalité d’une couleur particulière.
L’importance des croyances
Nous sous-estimons beaucoup le pouvoir de nos croyances sur notre vie. En fait notre expérience de la vie est complètement liée à toutes les croyances que nous avons.
Il y a des croyances sur des choses anodines de la vie qui sont de bonnes croyances (par exemple que le feu brûle). Mais cela devient beaucoup plus complexe et sensible lorsque l’on arrive dans le domaine des relations.
Les croyances sont partout dans le psychisme. C’est dans la fonction personnalité qu’il y a les croyances sur nous-même, sur comment nous nous voyons, et les croyances vis-à-vis de la vie et des autres.
Nous sommes le penseur
Les croyances engendrent parfois beaucoup de confusion : souvent nous avons la croyance que nos pensées sont des réalités,
et il arrive que l’on s’y identifie.
Mais c’est nous qui fabriquons nos pensées. Nous sommes le penseur.
Comme la pensée est pour nous une réalité, nous nous faisons des films sur les choses et sur les gens. Nous prêtons aux autres des sentiments, des jugements, nous anticipons leurs pensées. Peut-être vous est-t-il arrivé, dans une situation relationnelle compliquée, de construire par avance à l’intérieur de vous tout un dialogue imaginaire, où vous faites les questions et les réponses – à votre avantage bien sûr; et face à la personne en question, la scène s’est passée d’une manière complètement différente du scénario que vous aviez élaboré.
La pensée et l’émotion
La plupart du temps, nous n’avons aucun recul par rapport à nos pensées – et nous ne le savons pas.
Il est important de regarder quelle importance nous leur donnons à l’intérieur de nous. On pense couramment que les pensées sont provoquées par un état émotionnel (je suis triste, alors je vais penser que je ne vais pas y arriver). Mais nous vous proposons ici une idée différente, à savoir qu’il y a toujours une pensée avant une émotion.
Une émotion est causée par une pensée sur laquelle on met de l’énergie, on pourrait représenter cela sous la forme suivante : pensée + énergie = émotion.
Il est essentiel de regarder cela : « Quelles sont les pensées dans mon esprit à ce moment-là ? » Nous prenons très au sérieux nos pensées négatives, nous nous y accrochons parce que nous considérons qu’elles sont vraies, parce que nous y sommes identifiés (« Je suis nul… »). Cela peut aller très loin.
La vérification des croyances
Dans le domaine des relations il existe une issue à ce genre de pensées, car nous avons la possibilité de vérifier avec l’autre, en partageant son ressenti et en vérifiant si nous sommes dans la réalité ou pas. On peut aussi prendre conscience de ses processus paranoïaques et les reconnaître. On doit se dire « D’accord, je pense cela mais je m’ouvre à l’idée que peut-être cela n’est pas vrai ». Le simple fait de se désidentifier de ce qui se passe en nous amène déjà un premier niveau de transformation.
La plus grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés c’est que les systèmes de pensée s’auto-valident – c’est-à-dire que l’on vérifie ses croyances. Le point de départ c’est vraiment de se désidentifier : Ma pensée n’est pas la réalité, mais mon interprétation de la réalité.
Se désidentifier de nos croyances
Ce ne sont pas les circonstances de la vie qui nous font nous sentir bien ou mal, mais ce sont nos pensées sur ces circonstances. Les pensées produisent des réactions chimiques dans notre cerveau, sur lequel elles ont une grande influence.
Se transformer ce n’est pas contrôler nos pensées, car cela ne marche pas très bien. Il s’agit plutôt de se détacher de nos pensées négatives, de ne plus s’identifier à elles.
Les pensées sont constituées en systèmes de croyances, qui représentent vraiment notre manière de fonctionner.
Ces systèmes eux aussi s’auto-valident et créent des « références » (i.e. des expériences que l’on garde, qui nous prouvent que nos croyances sont vraies).
Dans la Gestalt-thérapie Intégrative l’accent est mis sur le travail des croyances.
Au début il est difficile aux patients de prendre de la distance avec leurs pensées, et d’imaginer que ce sont leurs pensées qui créent ces résultats-là dans leur vie, et non l’inverse.
Le travail sur les croyances est un processus subtil, le temps que le thérapeute aide cette personne à retrouver d’autres références, des moments de son histoire où elle a pu vérifier qu’elle était autre chose que ses croyances.
Le travail thérapeutique permet de retrouver des références anciennes s’il y en a, et surtout de construire de nouvelles références, qui vont permettre à la personne de se décoller de ses croyances.
Par exemple, pour une personne qui a des croyances négatives vis-à-vis de soi (je suis nul, je suis incapable d’y arriver) cela va être de reconnaître ce qu’elle a fait de bien, ce qu’elle fait de bien maintenant, les choses (même petites) qu’elle réussit, c’est reconnaître ses succès.
Arnaud Sébal et Anne-Lise Cerutti